La matière
" L’OCDE prévoit un doublement de la consommation de matières premières à l’échelle mondiale d’ici 2060 pour le numérique."
La fabrication des équipements du numérique peut concentrer de 20 à 90% des impacts pour un smartphone. Même si certaines mesures ont été adoptées, notamment au niveau européen, pour encourager la réutilisation des déchets électroniques (directive DEEE), c’est encore insuffisant.
Après l’adoption de la directive sur les déchets électroniques par l’Union Européenne, on constate que les industriels et les pouvoirs publics ont surtout axé leur stratégie sur le recyclage des métaux pour la fabrication de nouveaux équipements numériques. Certains industriels intègrent du plastique recyclé dans leurs nouveaux appareils.
Cependant, tout un pan de cette directive a été laissé de côté. Très peu d’initiatives ont été prises en ce qui concerne le réemploi et la réparation des appareils. Rien non plus n’a été engagé sur l’écoconception et sur l’allongement de la durée de vie de nos appareils. Il s’agirait d’intégrer les associations dans les éco-organismes afin d’avancer sur ces deux points ».
La dimension sociale du numérique
« Aujourd’hui, nous sommes tou.te.s dépendant.e.s et usager.ère.s de ce réseau.
Un certain nombre de besoins fondamentaux nécessite de passer par ces réseaux. L’idée serait de sortir de ces derniers en mettant en place d’autres formes de réseaux qui consomment moins de matières et d’énergie, qui émettent moins de gaz à effet de serre… Il faut renouer avec l’utopie numérique du début en créant des réseaux alternatifs au grand réseau (Google, Microsoft…) ».
Au-delà de ces considérations, l’augmentation des usages du numérique traduit aussi des enjeux sociaux.
« Le smartphone s’est développé rapidement car il permet de réduire les frais pour les bas revenu. Un smartphone est moins cher qu’un ordinateur, ce qui permet aux classes pauvres de s’équiper. En revanche, ce sont surtout les catégories socio-professionnelles supérieures (CSP+) qui achètent principalement les nouveaux modèles et les objets connectés, participant à augmenter davantage les usages ».
Réorienter nos usages du numérique : «? 30 ans de numérisation = 30 ans de croissance des émissions »
« Aujourd’hui, les pouvoirs publics et les entreprises du numérique orientent leurs investissements et la recherche pour améliorer les usages déjà existants et en créer de nouveaux.
La stratégie est également d’investir massivement dans l’intelligence artificielle et la voiture autonome ou encore de développer une qualité vidéo toujours plus haute définition.
Or on sait pertinemment qu’au-delà de la définition en 8K, les améliorations de la qualité de l’image ne sont pas perceptibles par l’œil humain.
Ces progrès sont très gourmands en énergie. Les outils pour observer l’évolution de la planète se sont de plus en plus sophistiqués mais aucune découverte majeure n’a été réalisée grâce à cette sophistication. Ils ont surtout permis de raffiner les détails.
Notre niveau de consommation du numérique est trop élevé. Il est nécessaire de se focaliser sur les usages numériques utiles comme la visioconférence, Wikipédia... »
« C’est également une illusion de croire que le numérique peut résoudre les changements climatiques, agricoles…
Il existe avec le numérique un fantasme de gratuité, d’abondance, d’immatérialité. Cependant, le numérique étant largement généralisé aujourd’hui, on sait qu’il a des impacts.
L’idée qu’il serait une solution pour la planète est largement répandue car le numérique est pensé comme une technologie propre.
Le rapport SMART 2020 publié en 2008 indiquait d’ailleurs à l’époque que grâce au numérique, on allait pouvoir réduire l’équivalent de 5 fois l’empreinte du numérique dans les autres secteurs. Cela ne s’est pas produit.
Même un scénario de sobriété numérique (rapport The Shift Project) permettrait seulement de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre, et ce n’est pas le scénario qui est à l’ordre du jour ».